Conception d'éclairage respectueuse de l’environnement : une experte en éclairage partage son savoir-faire en vue d'éviter la lumière intrusive
« Quelque chose qui ennuie votre voisin », voilà comment la conceptrice d'éclairage Nancy Clanton, directrice générale de Clanton & Associates, définit la lumière intrusive. « Aucune dispute entre voisins ne sera résolue ici, mais il est relativement facile d'apprendre à éviter la lumière intrusive », explique Clanton.
Légende : Nancy Clanton est chef de la direction de Clanton & Associates, une entreprise de conception d'éclairage spécialisée dans la conception durable et régénérative.
Pour les architectes paysagistes et les concepteurs d'éclairage, la façon la plus facile d'éviter la lumière intrusive est de choisir des luminaires produisant très peu d'éclairage arrière et de reflets. Les classements d'éclairage arrière, d'éclairage vers le haut et d'éblouissement (Backlight, Uplight and Glare, ou BUG) (selon le système IES TM-15-11), qui peuvent être fournis par les fabricants de produits d’éclairage, donnent les renseignements requis pour minimiser la lumière intrusive selon l'utilisation désirée au moment de choisir les luminaires. Clanton recommande des luminaires avec B0 et G0, les plus bas classements de lumière arrière et d'éblouissement. « N'allez pas plus haut que B1 ou G1 », recommande-t-elle.
« La lumière vers le haut représente un pur gaspillage de lumière », poursuit Clanton. « Elle ne sert absolument à rien. De nombreuses villes possèdent des règlements sur l'éclairage qui stipulent que la lumière vers le haut doit être de U0. » Bien que les voisins remarquent surtout la lumière arrière et l'éblouissement, les gens qui habitent dans des immeubles de plusieurs étages peuvent être dérangés par la lumière orientée vers le haut.
La réduction de la lumière arrière, de la lumière vers le haut et de l'éblouissement est importante pour les êtres vivants non humains. Une étude de l'Université Virginia Tech portant sur sept champs de soya situés en Illinois a démontré que l'impact de la lumière intrusive produite par les autoroutes sur les plantes à proximité de la route était significatif et mesurable. Comparées aux plantes des champs de soya non exposées à la lumière intrusive, les plantes y ayant été exposées avaient des retards de développement et offraient un rendement réduit.
La Floride a publié des règles en matière d'éclairage pour les régions où les tortues de mer nidifient dans le but de réduire l'intrusion de lumière et l'éclaircissement du ciel nocturne près des plages. D'autres villes appliquent des règles similaires lors des périodes de migration des oiseaux. Les oiseaux dépendent de la lumière reflétée par la lune pour se guider, et la lumière intrusive nuit à leur capacité de s'orienter.
Clanton & Associates n'éclaire pas les voies navigables en raison des effets négatifs de la lumière sur les poissons. « Nous pouvons éclairer un pont, explique-t-telle, mais toute la lumière doit être concentrée sur la surface du pont. » Elle remarque que les villes de Boulder et de Denver, au Colorado, interdisent l'éclairage des voies navigables.
La lumière intrusive dans les chambres à coucher influence le sommeil, ce qui nuit à notre santé et à notre bien-être. Elle modifie le rythme circadien, qui dépend de la production de sérotonine par la lumière bleue durant la journée et de la mélatonine produite la nuit en l'absence de lumière bleue. Dans les communautés médicales et de l'éclairage, il y a un débat à propos de l'hypothèse que ce serait la couleur et non la quantité de lumière qui dérange le sommeil. Toutefois, Clanton croit que tant la couleur que la quantité ont un rôle à jouer. « Raison de plus, dit-elle, d'éviter l'éclairage à température de couleur élevée. »
Pour amoindrir les effets de la lumière intrusive sur l'environnement et toutes les espèces, Clanton partage une méthode pour déterminer les niveaux de lumière intrusive propres à un site. Pour commencer, il faut connaître dans quelle zone d'utilisation des terres se trouve le site en question. « Peu de villes possèdent des règles en matière d'éclairage, mais elles ont toutes des zones d'utilisation des terres. », dit-elle. Les zones d'éclairage sont cotées de LZ0 à LZ3 selon la densité résidentielle et commerciale ou le zonage. Une fois que vous connaissez le type de zone du site, attribuez-lui une zone d'éclairage de même niveau. Par exemple, une zone d'éclairage LZ0 peut être une réserve naturelle; une zone d'éclairage LZ0 ne produirait que très peu de lumière sur ce territoire. Dans une zone rurale résidentielle, une zone d'éclairage LZ1 permet un peu plus de lumière intrusive sur les propriétés. « Finalement, affirme Clanton, rappelez-vous les classements BUG de 0, 1, 2 et 3. Une zone d'éclairage LZ0 devrait comporter des luminaires avec des classements BUG de B0, G0 et U0; une zone d'éclairage LZ1 se verrait attribuer des classements BUG en conséquence. Les deux vont de pair, et cela fonctionne vraiment bien pour déterminer les niveaux maximums de lumière intrusive. »
Une autre règle de Clanton : maintenir des températures de couleur faibles dans les villes; elle suggère de ne jamais dépasser 3 000 K et de préférence 2 700 K dans les zones résidentielles, là où les gens dorment. « Avec la technologie des DEL, nous sommes en mesure de réduire l'éclairage en soirée et même de modifier sa couleur grâce au réglage spectral. Il serait idéal de pouvoir contrôler la réduction et la couleur de l'éclairage à différents moments de la journée et durant les saisons de migration », ajoute Clanton.
Clanton voit une occasion pour les architectes paysagistes et les concepteurs d'éclairage de contribuer à éduquer les planificateurs de l'utilisation du sol qui ne sont pas toujours informés au sujet des zones d'éclairage. « Je crois que les architectes paysagistes et les professionnels de l'éclairage ont une véritable occasion d'aider les communautés à comprendre la relation entre l'utilisation du territoire et les zones d'éclairage et la façon de traiter les questions environnementales liées à la lumière la nuit. »
En 2020, l'Illuminating Engineering Society (IES) et l'International Dark-Sky Association (IDA) ont annoncé une collaboration afin d'aborder les questions de pollution lumineuse. Voici leurs cinq principes pour éclairer l'environnement de manière responsable.
Légende : Image founie par l'IES et l'IDA.
L'IES et l'IDA constituent deux ressources à la disposition des architectes paysagistes au sujet de la lumière intrusive et de l'éclaircissement du ciel nocturne. Le comité de l'IES sur l'éclairage pour les espaces piétonniers extérieurs sont sur le point de s'entendre sur la façon de limiter la lumière intrusive dans les espaces piétonniers, et l'IES et l'IDA ont formé un comité mixte, présidé par Clanton, qui mettra à jour le règlement sur l'éclairage type de l'IES et de l'IDA. Le rôle du comité est d'établir des normes, destinées aux communautés, sur la façon d'écrire leurs règles sur l'éclairage extérieur. Les crédits LEED pour la réduction de la pollution lumineuse font référence au règlement sur l'éclairage type, et LEED et WELL font tous deux référence à l'IES et à Dark Sky dans leurs directives de certification.
Nancy Clanton (PE, FIES, FIALD, LC, LEED)
Nancy Clanton est chef de la direction de Clanton & Associates, une entreprise de conception d'éclairage spécialisée dans la conception durable et régénérative. Elle est une ingénieure professionnelle enregistrée, membre du comité de la National Academy of Sciences sur l'évaluation sur l'éclairage à semiconducteurs, membre du groupe consultatif WellBuilding sur l'éclairage, membre du comité de la National Academy of Sciences sur l'évaluation de l'éclairage à semiconducteurs, et déléguée des États-Unis à l'Organisation internationale de normalisation (ISO) 205 WG 7. La longue liste de prix remis à Nancy inclut le prix d'excellence 2018 d'Edison Report pour l'ensemble de ses réalisations, le prix pour une ingénieure remarquable 2014 de l'ACEC Colorado, le prix international CleanDesign et le prix Louis B. Marks 2019 de l'IES. Nancy a également obtenu deux fois le prix présidentiel de l'IES. Par le passé, elle a été membre du groupe consultatif technique sur la qualité de l'environnement USGBC LEED et a occupé le poste de chef d'équipe de l'éclairage pour le virage écologique de la Maison-Blanche. Elle dirigé des ateliers pour la conférence C40 à Séoul et a participé à plus de 3 000 projets d'éclairage avec Clanton & Associates.